La clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie désigne le plus souvent le conjoint survivant de l’assuré comme bénéficiaire du contrat. Au décès de l’assuré, le contrat s’éteint et les capitaux sont versés au(x) bénéficiaire(s). C’est la rédaction de clause bénéficiaire la plus courante. Ensuite, le conjoint pourra souscrire un nouveau contrat d’assurance-vie et éventuellement désigner ses enfants comme bénéficiaires. Ces derniers n’auront de droits sur les fonds qu’au dénouement du contrat c’est-à-dire au décès du conjoint survivant. De plus, le conjoint survivant pourra toujours modifier la clause bénéficiaire avant son décès afin d’exclure les enfants pour favoriser un nouvel époux ou une nouvelle épouse par exemple.
Dans le cas plus rare ou le conjoint n'est pas le bénéficiaire et que le contrat a été alimenté avec des fonds de communauté une récompense est normalement due à la communauté.
Enfin, en cas de démembrement de la clause bénéficiaire, il est réalisé une transmission de droits au conjoint mais également aux enfants dès le dénouement du contrat. De plus, les récompenses éventuellement dues peuvent être comptabilisées sur la part attribuée au conjoint.
Dans la pratique et sauf clause spécifique, les compagnies d'assurance délivrent très souvent au conjoint survivant bénéficiaire, les capitaux sous la forme d’un quasi usufruit. Ce dernier peut alors librement disposer des sommes démembrées à charge pour lui de les restituer à son décès. Cette dette potentielle constitue donc un passif successoral qui – sous réserve qu’elle soit valablement enregistrée - viendra diminuer l’assiette taxable aux droits de succession pour les enfants.
Lorsque le contrat est soumis à l’article 757 B du CGI (voir détail plus bas), l’intérêt fiscal de la clause bénéficiaire démembrée est marginal car l’abattement pratiqué est globalisé pour l’ensemble des contrats concernés. En revanche, lorsque le contrat est soumis à l’article 990 I du CGI (voir détail plus bas), l’intérêt fiscal était flagrant avant la loi de finances rectificative pour 2011, il doit toutefois être relativisé aujourd’hui. En effet, depuis le 31 juillet 2011, les usufruitiers et nu-propriétaires sont imposés et se partagent l’abattement fiscal. Pour mémoire, avant la loi de finances rectificative pour 2011, les réponses ministérielles CHATEL et PERRUCHOT énonçaient que seul l'usufruitier était reconnu comme bénéficiaire, et donc que lui seul était imposé et se voyait attribuer l'abattement. Le nu-propriétaire n’était pas imposé.
Si la répartition des fonds ou le remploi n’est pas prévu, le quasi-usufruit s’appliquera automatiquement. Le quasi-usufruit constitue donc le type de sortie par défaut.
Le quasi-usufruit est un usufruit portant sur une chose consomptible c’est-à-dire qui se consomme par l’usage que l’on en fait. Selon l’article 587 du code civil, « Si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution. »
Ainsi, l'usufruitier pourra disposer librement du capital à charge pour lui de restituer au terme un actif de valeur équivalente ou un capital équivalent au profit des nus propriétaires.
Le quasi-usufruitier est donc plein propriétaire des sommes constituant le quasi-usufruit. Quant aux nus propriétaires, ils disposent d’un droit de propriété futur et sont donc bénéficiaires d’une créance, appelée « créance de restitution », exigible au jour du décès de l’usufruitier. Par conséquent, les nus propriétaires pourront faire porter la dette de l’usufruit, correspondant à leur créance, au passif de succession du défunt usufruitier. Ainsi, l’actif net de succession sera diminué. Dans le cas où l’actif successoral serait inférieur au montant de la créance de restitution, le remboursement de la créance au(x) nu(s)-propriétaire(s) sera impossible.
Astuce à retenir : afin de ne pas oublier cette créance au jour du décès et ainsi risquer de ne pas la prendre en compte dans la succession du défunt usufruitier, nous recommandons à nos clients de faire référence à cette créance de restitution au sein d’un testament enregistré, par un Notaire, au fichier central des dernières volontés.
Pour aller plus loin : selon les articles 600 à 603 du code civil, pour entrer en jouissance, l’usufruitier doit faire inventaire des biens meubles et immeubles, objets du démembrement et fournir caution d’en jouir en bon père de famille. A défaut, les immeubles seront mis sous séquestre et les sommes d’argent seront placées. Toutefois, l’usufruitier peut être dispensé de donner caution lors de la constitution de l’usufruit. Dans le cas spécifique d’un contrat d’assurance-vie dont la clause bénéficiaire est démembrée, le souscripteur doit prévoir, s’il le souhaite, cette dispense de donner caution dans la clause bénéficiaire, par une rédaction appropriée.
Il n’y a aucune taxation particulière prévue au plan fiscal.
Selon l’article 773, 2°du CGI : « Ne sont pas déductibles : [ ] les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées. Sont réputées personnes interposées les personnes désignées dans les articles 911, dernier alinéa, et 1100 du code civil. Néanmoins, lorsque la dette a été consentie par un acte authentique ou par un acte sous-seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès d'une des parties contractantes, les héritiers, donataires et légataires, et les personnes réputées interposées ont le droit de prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture de la succession. »
Ainsi, la créance de restitution des nus propriétaires ne pourra constituer un passif successoral si et seulement si elle a date certaine. Pour cela, il est nécessaire de matérialiser la créance par acte authentique ou par acte sous seing privé valablement enregistrée aux services des impôts.
Généralement, le montant de la créance de restitution est déterminé selon le principe du nominalisme monétaire. Toutefois, les parties (usufruitier et nus propriétaires) peuvent a priori y déroger et retenir un mode de calcul conventionnel du montant de la créance. Dans cette hypothèse, nous recommandons à nos clients le recours à l’acte authentique.
Dans le cas d’un démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, usufruitiers et nus propriétaires seront imposés en proportion de leurs droits évalués selon le barème de l’article 669 du Code Général des Impôts. Ainsi, les nus propriétaires n’échappent plus totalement à la taxation et ne bénéficient que d’une quote-part de l’abattement de 152 500 €. Naturellement, cette quote-part d’abattement sera d’autant plus faible que l’usufruitier sera jeune.
Depuis le 7 mars 2012, une instruction administrative (BOI 7 G-2-12) est venue préciser les modalités de répartition de l'abattement entre usufruitiers et nus propriétaires. Celle-ci indique :
- Qu’il y a lieu d'appliquer autant d’abattements qu’il y a de couples « usufruitier/nu-propriétaire »
- Que l'abattement maximum que peut recevoir l'usufruitier est plafonné à 152 500 € au titre de l'ensemble des capitaux décès reçus à raison du décès d'un même assuré
- Que la fraction d'abattement non utilisée par un bénéficiaire exonéré (conjoint, partenaire pacsé) ne peut pas bénéficier aux autres bénéficiaires désignés au contrat.
Classiquement, les bénéficiaires seront imposés aux droits de succession, selon leur degré de parenté avec l’assuré, pour le montant des primes versées au contrat, après un abattement global de 30 500 € et selon leurs droits respectifs. L'évaluation de l'assiette taxable, répartie entre usufruitiers et nus propriétaires sera déterminée selon le barème de l'article 669 du Code Général des Impôts.
Par ailleurs, les règles de droit commun en matière de droits de mutation par décès continuent à s’appliquer. Ainsi, les abattements et exonérations particulières prévus lors des transmissions comme l’exonération de droits de succession pour le conjoint survivant et le partenaire de PACS survivant devront être appliqués.
Dans ce cas, selon une instruction administrative du 3 décembre 2007 (BOI 7 G-7-07 § n°58), l'abattement global de 30 500 € ne bénéficiera qu’aux bénéficiaires non exonérés de droits de succession.
La clause bénéficiaire démembrée nécessite une rédaction précise et complète. Il convient notamment d’éviter la simple clause « mon conjoint pour l’usufruit et mes enfants pour la nue-propriété ».
Les experts du cabinet MAGDAE sont à votre disposition pour vous aider.
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