1. 3 Les réponses apportées au cours de ces dernières années par la législation fiscale
La transmission d’une entreprise peut s’effectuer selon plusieurs scénarios, elle peut être choisie ou subie, avoir lieu à titre onéreux ou à titre gratuit. Ainsi les mesures fiscales différent suivant le type de transmission, le but des différentes lois mises en place depuis quelques années étant clairement d’éviter un retard de transmission.
Face à ce défi, la législation fiscale a développé ces dix dernières années de nombreux régimes de faveur.
La première avancée a été la création de l’Engagement Collectif de Conservation par la loi de Finance de 2000, assez restrictif dans un premier temps, mais qui a été depuis très assoupli, jusqu’aux dernières réformes de 2008, ainsi que nous allons le voir plus loin : abattement de 75% sur la base taxable au titre des DMTG pour les parts ou actions ayant fait l’objet d’un ECC.
La deuxième grande avancée est proposée par la réforme sur la fiscalité des plus-values de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés.
a. Exonération liée à la durée de détention : Selon l’article 150-O D bis du CGI, “les gains nets retirés des cessions à titre onéreux d’actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d’un abattement d’un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième”, soit une exonération totale sur les titres détenus depuis plus de huit ans. Mais ce délai de huit ans se décompte à partir du 1er janvier 2006 pour les titres détenus ultérieurement et donc le régime ne s’appliquera qu’aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2012 et l’exonération totale bénéficiera aux cessions effectuées à partir du 1er janvier 2014. Par contre les cotisations sociales, pour l’instant de 12.1% resteront dues.
Ce régime de faveur concernera les sociétés à l’IS, ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, “à l’exception de la gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier“, et ayant son siège social dans un Etat membre de la Communauté Européenne.
b. Mise en place d’un régime de faveur transitoire pour les cessions effectuées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2013 (150-O D ter) : les dirigeants de PME qui peuvent faire valoir leurs droits à la retraite et cèdent leur entreprise à un tiers peuvent bénéficier de cette exonération sous certaines conditions :
- Le chef d’entreprise doit avoir été dirigeant de façon continu (au sens de l’Art 885 Obis du CGI, applicable à la définition de biens professionnels pour l’exonération d’ISF).
- Le cédant doit avoir détenu de manière continue plus de 25% des droits de vote dans les cinq dernières années que ce soit directement ou par l’intermédiaire du groupe familial (conjoint, ascendants, descendants, collatéraux privilégiés).
- La cession doit porter sur l’intégralité des actions ou sur plus de 50% des droits de vote ou en cas de la seule détention de l’usufruit sur plus de 50% des droits dans les bénéfices sociaux. De plus, le chef d’entreprise qui cède ne doit pas détenir ou contrôler le cessionnaire (moins de 1%).
- La Société doit correspondre à la définition d’une PME5 au sens communautaire.
Les cessions réalisées par les membres du groupe familial bénéficient du même abattement, et peuvent être échelonnées dans le temps.
En principe, le chef d’entreprise doit cesser toute activité. Dans le cadre du départ en retraite, le contrat de tutorat mis en place par la loi du 2 août 2005 permet au cédant qui transmet à titre gratuit ou à titre onéreux d’effectuer une prestation temporaire d’accompagnement à la reprise de l’entreprise et de cumuler des rémunérations perçues au titre de cette convention et celles qui sont perçues au titre du régime de la sécurité sociale.
c. Exonération d’imposition sur la plus-value liée à une cession au sein du groupe familial, sous les conditions suivantes :
- Société à l’IS, détenue à plus de 25% par le cédant et son groupe familial durant les cinq dernières années.
- La cession doit intervenir au profit d’un des membres du groupe familial (ascendants, descendants, conjoints ou collatéraux privilégiés).
- Le cessionnaire s’engage à ne pas céder les titres à un tiers pendant cinq ans. Dans ce cas, l’opération ne peut pas être finalisée au travers d’une société telle qu’une holding de transmission dotée d’une personnalité juridique distincte de celle de ses membres. Une telle opération ne garantirait pas l’obligation de conservation des droits sociaux.
Enfin, il convient de présenter une règle fort utile pour les opérations de restructuration précession d’entreprise. La réforme du régime d’imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières2 a assoupli le principe de report d’imposition en instaurant un sursis automatique d’imposition pour « les plus-values d’échange réalisées dans le cadre d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, … ou d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus ». Ce sursis d’imposition s’applique également en cas de démembrement de propriété des titres échangés.
Mais les dirigeants d’entreprise ne sont pas tous en mesure de faire valoir leurs droits à la retraite, ou de céder à l’intérieur du groupe familial, ou encore d’attendre 2014. Les textes peuvent être jugés assez restrictifs. Dans un article, justement titré « Dirigeants d’entreprise familiale, le casse-tête de l’exonération », Me HUET3 insiste sur les difficultés que pose l’application du 150-O D tiers. Notamment, « comment apprécier le niveau d’une rémunération normale (conforme au 885 bis), surtout que de nombreux dirigeants essaient de ne pas trop se payer et que l’Administration Fiscale ne considère pas la perception de dividendes comme une rémunération ».
De plus, si le cédant rentre dans une de ces catégories, il supporte toujours une fiscalité sur le produit de cession par le paiement des prestations sociales, soit 12.1%. Et l’évolution de la fiscalité sur valeurs mobilières incite à toute prudence :
- L’impôt de PV est passé de 16% en 2007 à 18% en 2008.
- Les Prélèvements Sociaux sont passés de 8.2% en 1991 avec la création de la CSG à 12.1% en 2008.
La question d’un schéma d’optimisation fiscale d’une transmission d’entreprise familiale reste d’actualité et il s’agit de bien connaître toutes les possibilités offertes à l’heure actuelle.
Un but : anticiper le plus en amont la cession et ne pas transmettre trop tard.
Pour illustrer différents cas de figure, nous allons étudier l’exemple d’une transmission d’entreprise, Ciblex, valorisée à 6 millions d’Euros, détenue à 100% par Monsieur Durand, fondateur historique, sous la forme d’une société à l’IS. Monsieur Durand, 59 ans, est célibataire. Par hypothèse, il ne pourra faire valoir ses droits à la retraite avant 65 ans, donc ne peut pas bénéficier du régime transitoire. Il a deux enfants majeurs, Jean et Georges. La société est en bonne santé financière et n’a pas de gros besoins de financement d’ici 5 ans. Monsieur Durand souhaite arrêter soit rapidement, soit d’ici quelques années, sachant que l’entreprise Ciblex constitue la majeure partie de son patrimoine. Plusieurs schémas seront à l’étude :
→ Les deux enfants souhaitent reprendre l’entreprise familiale, l’objectif de Monsieur Durand étant d’optimiser fiscalement cette transmission, tout en bénéficiant d’une source de revenus suffisante.
→ Un seul des enfants souhaite reprendre l’entreprise : des questions civiles vont se poser. Comment ne pas désavantager l’enfant non-repreneur ?
→ Aucun enfant n’a la vocation d’être un futur chef d’entreprise, Monsieur Durand souhaite la céder, optimiser fiscalement cette cession, tout en transmettant une partie de son patrimoine à ses deux fils.
Il va s’agir d’utiliser toutes les possibilités offertes par les dernières réformes en matière de fiscalité des plus values de valeurs mobiliéres, de droits de mutation et du régime des libéralités.
5 PME au sens communautaire : emploie moins de 250 salariés, a réalisé un CA inférieur à 250 millions d’Euros, ou à un total de bilan inférieur à 43 millions d’Euros à la clôture du dernier exercice.
6 BO des Impôts, N°119 du 3 Juillet 2001, repris dorénavant par l’article 150 0-B du CGI
7 Les Echos. fr, article du 21 mars 2007