3.1.2 La scission de l’entreprise en deux sociétés et les limites d’un tel schéma
Nous supposons ici que la société Ciblex possède deux branches complètes d’activité : par exemple, un point de vente et un point de production. Une Assemblée Générale décide de la scission de l’entreprise en deux sociétés par apport de branches d’activité à deux sociétés nouvelles :
- Une branche d’activité de production, la plus importante.
- Une branche d’activité commerciale de faible valeur à laquelle on apporte tout l’immobilier. L’activité commerciale pourra disparaître à terme, car l’administration n’exige pas que les deux branches aient la même valeur économique.
Monsieur Durand, actionnaire de la société de base se retrouve actionnaire des deux sociétés dans les mêmes proportions. Le coût de cette restructuration est faible puisque depuis le 1er janvier 2006, les droits d’enregistrement en cas de scission ou d’apport partiel d’actifs sont de 375 € si le capital est inférieur à 225 000 € et de 500 € au delà. Mais surtout, l’avantage de cette option est que le régime de faveur du sursis d’imposition pourrait s’appliquer, sous certaines conditions :
- Les deux sociétés doivent rester à l’IS.
- La société scindée doit comporter au moins deux branches d’activité, clairement identifiables et distinctes : il faut sortir tout l’immobilier pour l’isoler dans une des deux branches.
- Tous les associés de la société scindée doivent devenir actionnaires de chacune des sociétés bénéficiaires de l’opération.
- Un engagement de conservation des titres pendant au moins 3 ans est imposé.
Au niveau des associés, tant qu’ils restent en sursis d’imposition, l’échange de titres de la société d’origine contre des titres des deux nouvelles sociétés ne génère pas de plus-value taxable. Et il serait possible après le délai de trois ans de céder la société détenant la branche d’activité de production, tout en conservant la branche d’activité devenue à prépondérance immobilière. Le chef d’entreprise cède en 2014 la société de production et conserve la société B, toujours en sursis d’imposition. Il pourrait transmettre à ses enfants après le délai de trois ans des parts de la société immobilière et effacer une partie de la plus value latente.
Mais ce schéma a certaines limites :
- Les deux sociétés doivent rester à l’IS, ce qui veut dire qu’on ne peut pas bénéficier de l’exonération de droits d’enregistrement en cas d’apport de l’immobilier à une SCI à l’IR. Si Monsieur Durand ne souhaite pas transmettre à ses enfants les parts de la SCI mais à terme vendre les immeubles, la fiscalité sera à nouveau trés lourde: la durée de détention de l’immobilier remonte à la création de Ciblex, malgré la scission et l’amortissement pratiqué anterieurement conduit à un prix de revient trés faible. L’IS s’appliquera sur le prix de cession sans abattement, et la sortie du cash sera soumise au taux de 30.1%. Si il souhaite vendre directement les parts de la SCI à l’IS, il y aura une certaine décote d’illiquidité, du fait de la fiscalité.
- Une des conditions est liée à la notion de branche complète d’activité21 et il est peu probable que les immeubles dans une PME de la taille de Ciblex constituent à eux seuls une branche autonome d’activité, même si on les adosse à une petite activité commerciale. Et si toutes les conditions ne sont pas remplies, le chef d’entreprise doit demander à l’administration fiscale un agrément pour bénéficier du sursis d’imposition. Or selon l’Article 210 O-B du CGI : “L'agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l'objet de l'apport :
a. L'opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l'exercice par la société bénéficiaire de l'apport d'une activité autonome ou l'amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ;
b. L'opération n'a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscale“.
Une simple opération de scission de l’entreprise, cinq ans avant la cession exonérée en 2014 de la seule société d’exploitation pourrait facilement être requalifiée par l’Administration Fiscale (imposition de la plus-value au moment de la scission majorée des intérêts de retard).
21 Notion de branche complète d’activité, selon la directive communautaire du 23 juillet 1990 « l’ensemble des éléments d’actif et de passif d’une division d’une société qui constituent, du point de vue de l’organisation, une exploitation autonome, c’est-à-dire un ensemble capable de fonctionner pas ses propres moyens », Revue Fiduciaire, Guide de la Transmission d’entreprise